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 Il se passe quelque chose de poétiquement inopiné dans cette peinture. Les personnages de Nicole Pfund ne sont pas filiformes sans raison. Il leur faut au moins de longues jambes, s’agissant de prolonger leur humanité ambiguë en bestiaire péremptoire. L’artiste n’a pas tort, et, en plus, sa geste anthropomorphique ne manque pas de talent. Elle semble nous dire que ce ne sont pas les hommes qui ont inventé le chant. Les oiseaux, et pas seulement eux, les ont précédés, sur ce chapitre. Chez les ailés, et même l’élite des quadrupèdes, leur identité a commencé avec le chant, alors que l’homme, lui, malgré sa verticalisation, a dû longtemps grogner avant de seulement articuler. Les têtes mélomanes de Nicole ont beau participer, par leur apparence, du règne animal, elles ne nous en renvoient pas moins à une des images possibles de la naissance de la musique. En profondeur, il se peut que parvienne encore jusqu’à nous, en scansions mystérieuses, les échos d’une époque lointaine ou existaient déjà des accords parfaits entre les pulsions sans paroles, et leur désir d’être une voix, un pur moment de la polyphonie du vivant. En ce sens, la vision de Nicole Pfund est délicieusement juste, d’une prescience immémoriale et rythmique, qui donne du plaisir à qui s’en imprègne.
Marcel Moreau
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